L’estive, c’est le moment où les vaches sortent de l’enfermement de l’hiver pour regagner leur liberté dans les pâturages de montagne. Pour l’auteur, que le flegme et la quiétude de ces créatures interpellent, il s’agit de s’extraire des bruits du monde moderne pour se retrouver face à lui-même et se découvrir.
Novice jésuite, Charles décide donc de passer son « mois mendiant », durant lequel, accompagné d’un acolyte qu’il n’a pas choisi, il doit vivre sans le sou et ne compter que sur la générosité des personnes qu’ils rencontrent, dans le massif central, sur le chemin des estives, qui les mènera d’Angoulême à Notre-Dame-des-Neiges.
Ce livre nous dépeint le parcours emprunté et décrit, dans un style qui n’a rien à envier aux meilleurs artistes paysagistes, la beauté de la nature sauvage, de ses silences et toute l’intensité qu’elle dégage. Des moments de recueillement entrecoupés par les rencontres rendues nécessaires par la faim ou le sommeil, ou parfois désirées avec les autochtones. Des partages brefs, rugueux dans les refus mais doux dans les mains qui se tendent et les bras qui s’ouvrent, toujours profonds et sincères car ils représentent l’occasion unique de déposer le poids des soucis dans l’oreille de deux voyageurs qui demain seront partis.
Nous nous évadons avec l’auteur dans cette pérégrination, entre « Nus et culottés » et le très connu chemin de Compostelle (que l’auteur croise d’ailleurs). Une belle histoire humaine, un merveilleux voyage durant lequel on découvre les pensées et les doutes de l’auteur, mais également ses sources d’inspiration : l’imitation de Jésus-Christ ou bien les vies de Charles de Foucault et d’Arthur Rimbaud qui, tous deux à son image, ne semblent pouvoir s’arrêter de bouger.
Un moment de lecture qui rompt le lien avec la course quotidienne du temps et nous libère d’un monde qui nous étreint par ses omniprésentes sollicitations. Une promenade très agréable qui, si elle pourrait être une fuite, se révèle finalement être un cheminement vers une rencontre intérieure, à travers nos propres hésitations, nos peurs et nos espoirs.
Le recours aux forêts n'est pas une désertion hautaine, une fuite orgueilleuse, une dérobade ; c'est une tactique de l'esprit critique, une hygiène de la pensée, une façon de rester clairvoyant. Et puis se retirer ne signifie pas dire adieu. En fait, le solitaire ne rompt pas le lien, il desserre son étreinte. Pour mieux agir sur le monde, il fait un petit pas de côté. Un détour pour reconquérir sa liberté.
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